Peinture murale commémorant l'insurrection de Pâques 1916 |
Au commencement étaient les Gaëls, un peuple celte rural et chamailleur, présent sur toute l'île irlandaise. Convertie au catholicisme au Ve siècle par St Patrick, l'Irlande sera envahie par ses voisins anglais dès le XIIe siècle, puis conquise vers 1650 par le tristement célèbre Cromwell.
Mais la résistance tenace des Gaëls conduira à des siècles de batailles sanglantes et de lois anglaises répressives.
Autochtones contre colons, le conflit territorial
Malgré leur contrôle global de l'Irlande jusqu'au XXe siècle, les Anglais ne gagneront jamais le soutien de la population… Sauf dans le territoire de l'Ulster, dans le Nord de l'île.
Et pour cause, puisqu'au début du XVIIe, après la fuite du dernier roi gaélique Hugues O'Neill, des Britanniques venus d'Ecosse et d'Angleterre y émigrent en masse : c'est la Plantation.
Les nouveaux arrivants sont en grande majorité protestants (presbytériens ou anglicans). Des entrepreneurs privés sont chargés de distribuer des terres plus ou moins grandes à chacun, selon son statut.
Spoliation ? Pas tout à fait, car 20% des terres sont réattribuées aux Irlandais. Et si les tenanciers britanniques ont interdiction d'employer des fermiers autochtones, dans les faits, la règle est peu respectée.
Reste que cette colonisation, moins « inhumaine » que ce qu'on peut croire, posera d'énormes problèmes à l'avenir. Surtout lorsque la population des nouveaux arrivants dépassera celle des autochtones…
Nationalistes contre unionistes, le conflit politique
Au XIXe siècle, un sentiment nationaliste fort, accentué par les lois répressives anglaises et la misère ambiante due à la Grande Famine (1845 -1849: apparition du mildiou sur l'île), naît dans la population « autochtone » de l'île. Même de nombreux « Anglo-irlandais » (et donc descendants des colons) se retournent contre la couronne britannique et ses taxes exorbitantes. Et certains d'entre eux sont protestants…
A Pâques 1916, une tentative d'insurrection ratée est menée à Dublin. En 1913, c'est la milice des « Irish Citizen » qui est créée. Elle changera de nom en 1919 pour devenir IRA et elle mènera une guerre d'indépendance contre l'armée britannique. Finalement, comme personne ne prend l'avantage, on négocie un accord… qui fera couler beaucoup de sang à l'avenir.
Le traité anglo-irlandais de 1921 accorde l'indépendance à toute l'Irlande, sauf aux six comtés du Nord de l'île, majoritairement peuplés de descendants de colons britanniques fermement attachés à la couronne (qu'on appellera « protestants »).
L'Irlande du Nord est alors rattachée au Royaume-Uni, au grand dam de ses habitants « pure souche » (qu'on appellera « catholiques »). Dès lors, une partie de l'IRA va tenter, au cours du XXe siècle, d'unifier l'Irlande par la force. C'est ce combat que mènent, encore aujourd'hui, les groupes dissidents républicains comme la Rira ou la Cira.
Aujourd'hui, on parle généralement de « catholiques nationalistes » et « protestants unionistes ». Mais si c'est vrai dans l'ensemble, ce n'est pas systématique. Il existe des protestants nord-irlandais qui ne sont pas forcément contre l'unification de l'île…
Discriminés contre nantis, le conflit social
Pendant des siècles, les « autochtones » ont été discriminés dans bien des domaines par les Anglais. Parler le gaélique (langue locale), jouer au foot gaélique (sport local), entrer en politique, tout ça était interdit.
Cette inégalité, qui disparaîtra en République d'Irlande après l'indépendance, va perdurer en Irlande du Nord. Moins sévère, elle sera plus insidieuse.
Au travail comme pour le logement, les protestants étaient officiellement favorisés. Dans les années 70, sur les chantiers navals de Belfast, 400 ouvriers étaient catholiques… sur 10 000. Dans les quartiers majoritairement catholiques, un tripatouillage électoral permettaient à des hommes politiques protestants d'être élus.
C'est contre ces inégalités (aujourd'hui révolues) que certaines associations pour la défense des droits civiques ont manifesté, dans les années 60. La répression sanglante de ces défilés apolitiques grossira les rangs de l'IRA et précipitera l'Irlande du Nord dans le chaos.
Catholiques contre protestants, le conflit religieux (ah, enfin)
Bon, il faut quand même le souligner : les différences religieuses, secondaires dans le conflit, n'ont rien arrangé. La Plantation en Ulster avait un objectif affiché de conversion des autochtones au protestantisme. Et les lois anglaises qui ont longtemps interdit les rites catholiques ont laissé des traces dans les esprits.
Jusque que dans les années 70, Ian Paisley, leader emblématique de l'unionisme protestant, taxait dans ses discours les catholiques de « papistes ». Aujourd'hui, des efforts de dialogue inter-religieux existent. Mais l'ordre d'Orange, une confrérie protestante créée à la fin du XVIIIe siècle, s'oppose encore ouvertement à la religion catholique.
Bref…
« Catholiques » et « protestants » : voilà deux petits noms bien pratiques pour désigner deux groupes sociaux différents en tout point de vue. Ici, en Irlande du Nord, on en use (et abuse ? ) depuis au moins le XVIIIe siècle. Et c'est tout naturellement qu'ils ont été repris par les médias, ravis de pouvoir utiliser ces mots fourre-tout sans gaspiller de l'encre (ou de la salive).
Car pour vraiment coller à la réalité, il faudrait parler des « descendants nationalistes d'autochtones irlandais, de religion catholique jouant au foot gaélique » face aux « descendants unionistes de colons britanniques, de religion protestante et jouant au hockey ».
Là c'est nickel… mais pas très pratique.
(Jean-Baptiste Allemand, rue89)
Tres interessant - je vois que tu te plais bien la bas!!! Bravo pour le blog - excellent moyen de garder le contact. Xav
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